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Paradis perdu

بِسْمِ اللهِ الرَّحْمٰنِ الرَّحِيْمِ


J'ai passé en Haute-Provence, terre de Giono, des années parmi les plus belles de ma vie.

Peut-être était-ce parce qu'en ce temps-là, je vivais encore avec mes cinq enfants sous mon toit ?

C'était, dans ce cadre merveilleux, une époque légère où tout me souriait et où je ne me souciais pas du lendemain.

Fort d'une activité lucrative, je profitais de la vie terrestre sous tous ses aspects, porté par la magnificence de cet environnement grandiose, de Manosque à Gap, des gorges du Verdon au Lubéron, en passant par le plateau de Valensole et la montagne de Lure, avec en toile de fond l'âme omniprésente de la tumultueuse Durance.

Mais tout se paye - et surtout l'insouciance.

Et pour qui croit au destin, le temps des distractions et de la jouissance n'est qu'un temps éphémère, auquel succède nécessairement celui de la rigueur - censé nous rappeler que le jardin terrestre n'est qu'un leurre.

Et qu'il ne suffit pas de tendre la main et de croquer la pomme pour s'accomplir pleinement.

Aussi ai-je connu, par la suite, les épreuves ; dont la plus douloureuse, au-delà de la perte des biens matériels, reste l'éloignement de mes enfants - qui perdure encore à ce jour.

Puis je fus habité par la colère et la révolte.

Puis par la fatigue - une immense fatigue - avec cette profonde tristesse qui suit les tempêtes les plus violentes.

Puis, petit à petit, vint la compréhension.

Et l'éclairage.

Et enfin, la pleine Lumière.

Et je sais aujourd'hui que la vraie vie n'est pas dans ce jardin terrestre, aussi beau soit-il ; ni dans les biens matériels ; ni même dans les enfants.

Tout cela n'est finalement qu'une illusion qui nous attache à ce bas monde de faux semblants, dont les délices n'ont d'égales que les désillusions.

Et je sais que le paradis perdu n'est pas celui de ces larges vallées ensoleillées, de ces plateaux parfumés, des cigales qui chantent, et des montagnes sur les parois desquelles s'accroche la lumière du soleil.

Le paradis perdu, c'est celui qu'il reste à reconquérir, et où l'esprit n'est plus captif de ces contingences matérielles qui le brident.

C'est la Source éternelle.



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