بِسْمِ اللهِ الرَّحْمٰنِ الرَّحِيْمِ
Mes chers parents,
J'ai quarante cinq ans, je suis moi-même père de cinq enfants, et je réalise tout juste ce que c'est que d'être un enfant.
Ce que cela signifie.
Ce que cela implique, en termes de devoirs et d'obligations, en termes d'amour et d'affection.
À force de m'entendre dire que j'étais "intelligent", je me suis longtemps cru plus intelligent que tout le monde - plus intelligent que vous.
À force de recevoir votre amour et votre affection, j'ai longtemps cru qu'ils m'étaient dus.
En d'autres termes, je me suis toujours pris pour un prince.
Or, le prince, il n'a rien réalisé dans sa vie, et aujourd'hui sa situation sociale n'est pas bien brillante.
Et si on mesure l'intelligence à la capacité de s'en sortir honorablement dans la vie, on peut dire que je frôle la débilité.
Ainsi, l'orgueil est-il le premier frein à l'amour.
À cause de cet orgueil, de cet entêtement, de cette victimisation (ça n'a jamais été de ma faute mais toujours de celle des autres et du Système), je suis, à bientôt 50 ans, toujours à moitié dépendant de vous.
Et alors que je ne suis même pas capable de m'occuper de mes propres enfants, vous continuez, vous, à soutenir et endurer, sans rien dire, avec humilité, un gamin au cheveux gris.
Alors que ce serait à moi de vous soutenir, après une vie de labeur - ne serait-ce que moralement en vous déchargeant du souci permanent que je représente.
Et quand vous manifestez un peu d'agacement et de lassitude en me reprochant mes travers, au lieu de me mettre à vos pieds et de m'excuser, sans même écouter vos griefs pourtant légitimes, je monte sur mes grands chevaux et je pars avec ma blessure narcissique en bandoulière.
Pauvre de moi.
Vous êtes un trésor : combien n'ont même pas reçu le quart de l'affection que vous m'avez prodiguée - combien n'ont même pas leurs deux parents, ou même de parents tout court, pour les relever sans fin de leurs chutes ?
Aujourd'hui, je n'ai que ma plume à vous offrir pour vous dire combien je vous aime, combien vous me manquez, combien je voudrais pouvoir vous rendre tout ce que vous avez fait pour moi...
Et pour vous demander pardon, pour tout le tracas que je vous ai causé et que je vous cause sûrement encore.
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