بِسْمِ اللهِ الرَّحْمٰنِ الرَّحِيْمِ
Je n'ai jamais connu, physiquement, aucun de mes maîtres en poésie.
Avec mes contemporains, aujourd'hui disparus (Bonnefoy, du Bouchet, Jaccottet...), ma relation fut exclusivement épistolaire - et s'il était prévu que je rencontre Bonnefoy (il m'avait donné le numéro de sa secrétaire particulière à cette fin), cela ne s'est jamais produit pour des raisons x ou y.
Quant-aux maîtres des anciennes générations (Cocteau, Valéry, Mallarmé, Baudelaire, Nerval, Verlaine, Hugo...), ma relation avec eux fut exclusivement spirituelle.
Et c'est exclusivement par l'esprit, donc, qu'ils me prodiguèrent leur enseignement - car il existe dans les œuvres des poètes des messages cachés à l'attention des seuls poètes, et un héritage ésotérique qu'ils se transmettent ainsi de génération en génération.
Et, pour peu qu'on parle le langage des poètes, on peut boire à cette source de vérité où s'écoulent des secrets auxquels eux seuls ont accès.
Inutile pour cela de se connaître ou de se fréquenter - tout passe par l'esprit, le monde sensible n'étant qu'illusion.
Et le véhicule de l'esprit, c'est le Verbe - le Logos.
L'occurrence suprême du Logos, c'est le Livre - Al-Kitab.
Puis le poème, qui sert à rappeler la Présence.
Et pour ce-faire, Il a choisi et désigné les poètes, auxquels Il prête parfois un peu de Son Éloquence.
Car tout poète est nécessairement un mystique qui Le cherche, et il arrive qu'Il leur fasse la grâce d'habiter leurs vers, quand leur démarche est vraiment sincère :
Ils font la cause de vouloir assembler quelques mots avec le plus grand soin possible et l'intention la plus pure, et Il vient leur suggérer quelque composition parfaite d'où émergera Sa Présence - qu'on ressentira comme une intuition, une émotion.
C'est là ce que j'appelle l'adéquation - ou quand la combinaison verbale coïncide pleinement avec l'intuition de la Présence.
L'enseignement occulte des maîtres (et donc toute l'initiation poétique) réside principalement dans le comment faire cette cause - dans l'art et la manière de faire cet asbab par lequel Il sera susceptible de guider la plume du poète, de l'orienter pas à pas - de mot en mot, de signifiant en signifiant - vers la plus pure combinaison où Le trouver.
Et cet enseignement, qui ne se dit pas, se lit entre les lignes - dans cette fameuse langue à part dont parlait Cocteau, que les peuples ont coutume de prendre pour une certaine manière d'employer la leur, et que peuvent parler les poètes sans crainte d'être entendus.
Telle est la nature de l'enseignement que j'ai reçu de mes maîtres en poésie.
Tel est le cœur de l'initiation poétique.
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