بِسْمِ اللهِ الرَّحْمٰنِ الرَّحِيْمِ
L'intellect est l'un des plus grands ennemis du cheminant, et il menace tout naturellement les intellectuels, habitués à faire fonctionner leurs cerveaux et à créer du concept.
Le plus grand risque, notamment, est de travestir, d'enjoliver (et donc d'altérer) des dons et secrets divins sous un discours structuré par l'ego - ce qui est une manière pour ce dernier de se les approprier en les personnalisant : ainsi, dans ce que restituera le cheminant, il y aura certes une part de Vrai, mais aussi et surtout une grande part d'artifice à travers le discours.
Car le problème est bien dans la forme que prend la restitution, qui est pur produit de l'intellect et donc de l'ego, et qui n'a pas grand-chose à voir avec le Haqq de fond puisque artificielle.
Ainsi, plus la forme est travaillée, poétisée, conceptualisée, subjectivée, plus elle s'éloigne du Fond.
Et il faut vraiment être un Walî, un Connaissant par ALLAH ﷻ, pour adapter le discours à la Lumière, pour La porter et véhiculer par une parole pure des artifices de l'ego.
Car accéder à certains secrets est une chose, avoir la Science de les restituer en est une autre.
Et cela (l'accession) passe nécessairement - au moins dans un premier temps - par le soutien spirituel intégral du maître, qui implique une extinction totale en lui - avant que d'être soi-même éteint en ALLAH ﷻ.
En attendant, celui qui veut ALLAH ﷻ doit vraiment se méfier de son intellect, qui est la partie la plus saillante de son ego, et ne surtout pas se laisser dominer par lui - car il est indubitablement son pire ennemi.
(Ce développement suppose d'avoir reçu une part de Vérité - mais plus grave encore est de développer une construction formelle sur la seule base d'une illusion, d'un fantasme (wahm) : sur la croyance fausse d'avoir reçu un don ou secret.)
Le véritable témoin de la Présence d'ALLAH ﷻ ne consiste pas en concepts, constructions intellectuelles et discours savants censés l'établir et la démontrer - du moins pas avant d'avoir réalisé, comme condition nécessaire, un certain degré.
Et ce degré, comme véritable témoin et marqueur de Sa Présence, c'est l'excellence du comportement : l'Ihsan.
Mais avant de l'avoir réalisé, toutes sensations ou intuitions, et tentatives de les expliciter par quelque discours que ce soit, sont sujettes à caution, et doivent être soupçonnées comme suggestions diaboliques, ou inspirations de l'ego, et en tout cas considérées comme illusions (wahm).
Et c'est seulement après l'avoir réalisé, qu'intuitions et/ou visions peuvent être tenues pour des dons divins établis, de l'ordre du Secret, et des manifestations du Haqq - de la Vérité.
Car si ALLAH ﷻ peut laisser entrevoir Ses faveurs au cheminant par quelques dons ponctuels, à titre d'encouragement(s), Il ne donne véritablement qu'à celui qui a réalisé l'excellence du comportement en ayant purifié son âme et son cœur.
Et ces dons ponctuels ne doivent donner lieu à la moindre certitude, ni être pris pour acquis : qu'on se contente de les goûter au moment où ils se présentent, sans chercher à les cultiver ou à les reproduire/retranscrire par quelque effort personnel que ce soit (de concentration ou d'ordre intellectuel).
L'ordre des choses est :
- Rabita ;
- Dhikr ;
- Observation du comportement, en prenant les proches et surtout le Shaykh à témoin.
Et une fois que le Shaykh a validé le Maqam de l'Ihsan, on peut considérer comme légitimes et acquis les dons divins, et les cultiver, et gloser/discourir dessus - aussi bien à l'oral qu'à l'écrit, sans crainte de se fourvoyer ou de s'égarer.
Mais surtout pas avant.
Et ALLAH ﷻ est Le Plus Savant.
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