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Surat Tâ-Hâ : étude poétique des versets 11 à 17 - ou l'Appel au Dhikr

Dernière mise à jour : 12 avr. 2021

بسم الله الرحمن الرحيم

 

Étude établie principalement sur la base des traductions admises.

 
Surat Tâ-Hâ : étude poétique des versets 11 à 17 ou l'Appel au Dhikr - Blog - Stéphane Abdallah ILTIS

Ces versets englobent le monologue d'interpellation par ALLAH ﷻ à Sayyidina Musa عليه السلام.


On est donc sur le mode de l'interpellation poétique.


Le monologue (ou tirade - sans connotation péjorative) commence au verset 11, après une courte proposition introductive : "Puis, lorsqu'il y arriva, il fut interpellé : ...", dont le rôle est tout simplement de faire la transition narrative.


En soi, le monologue commence par : "Ya Musa" ; puis se termine, au verset 17, de la même manière : "Ya Musa".


Outre le fait qu'il s'agit quasiment d'une parenthèse narrative (avec tout ce que cela implique : une intégration dans le récit), cela souligne bien le caractère exclusif du destinataire du monologue, attestant de son importance au Regard de L'Interpellant : en d'autres termes, c'est à Musa et à Musa seul عليه السلام que parle ALLAH ﷻ, et c'est pour lui seul, à ce moment précis, qu'Il s'exprime en Personne.


Et le fait que le nom de Musa عليه السلام soit isolé en fin de verset 11, comme mot d'ouverture du monologue, par un procédé de rejet (le reste du monologue est renvoyé aux versets suivants), participe de cette exclusivité du destinataire :


فَلَمَّآ أَتَىٰهَا نُودِىَ يَٰمُوسَىٰٓ
Puis, lorsqu'il y arriva, il fut interpellé : « Ô MOÏSE !...

Les trois versets suivants (12, 13, 14) sont tous bâtis sur la même structure, et commencent tous trois par une proposition dans laquelle ALLAH ﷻ s'affirme à la première personne du singulier, à grand renfort de pronoms personnels marqués/appuyés par des procédés de doublement et de redondance :


إِنِّىٓ أَنَا۠ رَبُّكَ
JE suis ton Seigneur...

وَأَنَا ٱخْتَرْتُكَ
MOI, JE t'ai choisi...

إِنَّنِىٓ أَنَا ٱللَّهُ لَآ إِلَٰهَ إِلَّآ أَنَا۠
C'est MOI, ALLAH ﷻ : point de divinité que MOI...

Ce procédé marque bien évidemment la solennité de l'instant, tout autant que La Majesté du Locuteur, tout en posant fermement la marque de L'Unicité (At-Tawhid).


Chacune de ces propositions d'affirmation à la première personne [du singulier], est suivie par une proposition à la deuxième personne [du singulier] sur le mode impératif et portant des commandements directs :


فَٱخْلَعْ نَعْلَيْكَ ۖ إِنَّكَ بِٱلْوَادِ ٱلْمُقَدَّسِ طُوًى
Enlève tes sandales : car tu es dans la vallée sacrée, Tuwâ.

فَٱسْتَمِعْ لِمَا يُوحَىٰٓ
Écoute donc ce qui va être révélé.

فَٱعْبُدْنِى وَأَقِمِ ٱلصَّلَوٰةَ لِذِكْرِىٓ
Adore-Moi donc et accomplis la Salât pour te souvenir de Moi.

On retrouve d'ailleurs, dans cette proposition à l'impératif du verset 14, les attributs de l'affirmation du MOI divin : ici, les commandements sont spécifiquement orientés vers LUI, et L'Objectif est clairement assigné : le Rappel d'ALLAH ﷻ - le Dhikr - faisant de l'adoration en général et de la Salât en particulier de simples moyens, plutôt qu'une fin en soi - nous y reviendrons.


Au verset 12, ALLAH ﷻ affirme son identité, puis, aussitôt après, intime à Musa عليه السلام de retirer ses sandales, marquant ainsi la relation de cause à effet : c'est parce que c'est ALLAH ﷻ qui S'exprime, que Musa عليه السلام doit ôter ses sandales - par déférence, comme on se découvre devant quelqu'un ; et de préciser que la vallée se trouve sacrée/sacralisée par ce qu'il est en train de s'y passer - par Cette Intervention Divine à cet endroit et à ce moment précis ; mais aussi (et c'est implicite) que Musa عليه السلام lui-même se trouve sacré/sacralisé par l'élection dont il se voit ici honoré et informé : l'homme et la terre, ici, ne font plus qu'un par tout ce contexte événementiel, et il y a quelque-chose de l'ordre du fusionnel et du sensuel entre Musa عليه السلام et la vallée, qui se voient tous deux confondus dans La Magnificence et L'Honneur de La Manifestation Divine : ainsi, de même que la vallée honore Musa عليه السلام en ayant été élue pour être le théâtre de La Prise de Parole d'ALLAH ﷻ (et de cet instant solennel, et pour accueillir son pas), Musa عليه السلام honore la vallée par son rang d'élu ; il convient donc que le contact soit direct entre eux, sans les sandales pour faire obstacle : d'une certaine manière, Musa عليه السلام épouse la vallée, lieu de La Parole d'ALLAH ﷻ.


Au verset 13, ALLAH ﷻ affirme Sa Toute Puissante Volonté, par le choix qu'Il a fait de Sayyidina Musa عليه السلام (ce qui signifie que Musa عليه السلام n'est pas là par hasard) ; puis, toujours dans une relation de cause à effet, Il lui intime l'ordre d'écouter Sa Révélation : en d'autres termes, ALLAH ﷻ a choisi Musa عليه السلام pour qu'il reçoive la Révélation ; Il lui révèle et annonce ainsi son rang de prophète et de messager, le mettant sur le fait accompli - car La Déclaration d'ALLAH ﷻ, péremptoire, est sans appel : irrévocable. Et Musa عليه السلام n'a pas d'autre choix que de s'y soumettre, et d'écouter.


Au verset 14, à titre de Révélation (celle annoncée au verset précédent), ALLAH ﷻ commence par confirmer son identité : cela renforce La Nature Divine de La Révélation ; puis, Il La qualifie par les attributs du Tawhid : L'Unicité Divine, et l'exclusivité (implicite) de l'adoration ; il est intéressant de noter qu'Il distingue l'adoration en général (qu'Il met en premier), et la Salât en particulier (qui devient secondaire) : cela signifie que l'adoration ne doit pas se limiter à la seule Salât, mais s'étendre à chaque geste du quotidien, chaque action, chaque pensée, chaque intention... : autrement dit, chaque instant de la vie du serviteur doit être constitutif d'une adoration, et la Salât n'est jamais que le moment de la synthèse de tous ces instants - en quelque sorte, celui où on vient les unifier en cet acte unique et légiféré qu'est la Salât, un peu comme lorsqu'on fait une collecte : on commence par ramasser à droite et à gauche, et on finit par rassembler en un dépôt unique. Mais le plus intéressant reste en fin de verset, où ALLAH ﷻ énonce le but ultime, l'objectif de toutes ces adorations : se souvenir de lui ; ainsi, les adorations en général, et la Salât en particulier, ne sauraient constituer une fin en soi : la finalité ultime, c'est Le Rappel d'ALLAH ﷻ. Et par le mode de l'impération c'est en réalité à l'humanité entière, à travers le messager élu, que S'adresse Le Créateur ; ainsi, si le monologue est bien orienté vers Musa عليه السلام comme nous l'avons vu au début de cette étude, c'est en tant que messager exclusif (de son époque) ; mais le fond du discours (le message) est bien destiné à l'humanité - au-delà-même du seul peuple choisi que constituaient les Banu Isra'il, eux-mêmes étant élevés et honorés, en ce temps, comme le peuple devant servir de modèle et d'exemple à l'humanité en lui commandant de faire le bien (Qur'an 2:40-41-44 ; 44:32-33 ; 45:16).


Au verset 15, ALLAH ﷻ poursuit la synthèse du message global - celui, donc, adressé de tout temps à l'humanité entière à travers tous les envoyés - et Il annonce l'Heure (autrement dit : le Jour du Jugement), très formellement, très solennellement ; et d'affirmer que, à défaut de la dévoiler complètement, Il la laisse transparaître [par des signes], afin de susciter l'effort selon lequel chacun sera rétribué. Ce verset est donc une invitation à rappeler le Jour Dernier, lequel est censé susciter l'effort de chacun. Et, à l'éclairage du verset précédent et de la finalité y-annoncée, on comprend que cet effort réside dans Le Rappel d'ALLAH ﷻ : il n'y en a pas d'autre, en vérité, puisque chaque acte doit être motivé et porté par ce Rappel, dont la permanence devient une évidence tout autant qu'une nécessité absolue.


Au verset 16, cette nécessité se confirme par la menace de la sentence ; et quand ALLAH ﷻ prévient Musa عليه السلام qu'il ne doit pas s'en détourner, on se doute bien que ça n'est pas à lui personnellement qu'Il s'adresse (car le prophète qu'est Musa عليه السلام est nécessairement infaillible), mais bien à l'humanité en général - donc à chacun d'entre nous : le mode impératif porte donc l'interpellation à l'humanité entière, comme évoqué plus haut. ALLAH ﷻ définit en outre le danger, et sa provenance : le détournement [la déviance, l'égarement], par celui qui ne croit pas à tout cela et qui suit sa propre passion ; il y a donc une relation de cause à effet entre le fait de ne pas croire, et celui de suivre sa propre passion - donc son ego : en d'autres termes, croire implique nécessairement de renoncer à sa propre passion - donc à son ego ; il y a donc, très clairement, un choix à faire entre ALLAH ﷻ et l'ego - et cela passe par le choix des fréquentations : si celui qui suit sa propre passion est susceptible de détourner, d'égarer, on en déduit qu'il faut s'écarter de lui pour lui préférer la compagnie (Suhba) de ceux qui ne suivent pas leur propre passion : les pieux ; c'est ce que suggère très subtilement ALLAH ﷻ par le mode elliptique. Quant-à la nature de la sentence, il est question de périr : et il s'agit de mort spirituelle, ou mort du cœur - puisque la vraie vie est celle à laquelle on accède en répondant à ALLAH ﷻ via l'appel du messager ﷺ, c'est-à-dire la foi ou vie du cœur (Qur'an 8:24) ; qui correspond également à l'au-delà, en opposition au monde matériel (Qur'an 29:64).


Le verset 17 arrive en rupture totale, par une question ouverte directe adressée par ALLAH ﷻ à Musa عليه السلام, qui détonne et contraste fortement avec l'impération des précédents versets : ce procédé marque la fin du monologue divin, pour amorcer la phase de dialogue avec Musa عليه السلام qui va suivre ; rupture également marquée par la réitération du "Ya Musa", qui avait déjà ouvert le monologue à la fin du verset 11 (comme on ouvre et ferme une parenthèse), et par le fond du propos : ALLAH ﷻ passe de la synthèse de Son Message à l'humanité, faite de commandements solennels, à une question en apparence terre-à-terre portant sur un objet des plus primitifs - ce qui marque l'amplitude de tout ce que couvre et embrasse Son Regard, du champ spirituel métaphysique aux affaires matérielles du bas monde, confirmant qu'Il est bien "La Lumière des cieux et de la terre" (Qur'an 24:35).

 
 

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